C’est à l’âge de trois ans que j’eus l ‘occasion de faire la démonstration incontestable de mon caractère de chien ou si vous préférez de ma tête de cochon. Ce premier combat en fut un, sans équivoque, d’affirmation identitaire.
Depuis ma naissance, ma mère me laissait pousser les cheveux, parce que j’avais des cheveux bouclés. Je ne sais ce qui la motivait ; à ma connaissance, elle ne l’a jamais exprimé ouvertement. Est-ce qu’elle compensait ainsi le désir secret d’avoir une fille après avoir donné naissance à deux garçons de suite ? Il se peut également qu’elle ait pensé faire de moi un Petit Saint-Jean Baptiste pour la procession tant suivie alors de la fête des Canadiens Français, le 24 juin. C’était à l’époque, l’espoir de bien des mamans d’avoir fièrement les yeux rivés sur l’un de leurs fils aux cheveux bouclés défilant tout au long de la rue Sherbrooke en tenant la houlette du berger et accompagné d’un mouton bien gras à la toison épaisse et savamment lissée. N’était-ce pas le char allégorique principal qui fermait la parade, vers lequel tous les yeux étaient tournés et dont la réplique du saint patron, imperturbable, faisait l’envie de bien des parents. Je n’ai jamais su si telle était l’ambition de ma mère, mais toujours est-il que j’avais de longs cheveux bouclés et les grandes personnes se servaient de cela pour me faire enrager et pleurer constamment en me traitant de petite fille.
Ne réussissant pas à leur faire comprendre qu’Ils se trompaient royalement, j’allai me plaindre à ma mère qui me donna comme directive de leur répondre qu’ils ne connaissaient pas ça. J’acceptai d’emblée ce conseil et me préparai à affronter mon premier propagateur de cet ignoble mensonge. Mais le premier qui se présenta fut, par malheur, le curé de la paroisse, notre bon abbé Lafortune qui venait souvent à la maison étant devenu un ami de la famille. La confrontation eut lieu, je m’en rappelle, au cours de l’été sur la galerie de la maison. L’affirmation d’un ton agressif et sans appel : «Tu ne connais pas ça» laissa le curé sans mot, tout en mettant ma mère, témoin de mon effronterie, dans un profond embarras. Il semble bien, par ailleurs, que l’incident ait eu des suites avantageuses pour moi. Mon père, barbier de son métier, qui était notre coiffeur incontesté, en eut assez de mes jérémiades et de mes sautes d’humeurs. Un jour, il me prit par le bras, m’installa sur sa chaise de barbier et me fit ma première coupe de cheveux qui révéla, sans conteste, que j’étais bel et bien un garçon.
Ce fut la fin du premier combat de ma vie, un combat identitaire. Un combat qui se termina à ma grande satisfaction. Depuis, je suis toujours demeuré très sensible et partie prenante à notre cause identitaire commune ; celle espérant voir un jour notre nation québécoise faire partie du concert des nations. C’est aussi la mémoire d’une première victoire à l’âge de trois ans qui me donne toujours l’espoir de gagner mes combats. Jusqu’à quel point, ces événements de notre enfance, bien souvent perdu au fond de nous, laissent-ils en nous des traces indélébiles ? La réponse n’est pas facile. Il y a sans doute autant de variantes qu’il y a d’individus. Il faut bien reconnaitre que Freud et compagnie n’ont pas tout à fait tort et qu’ils ont eu le mérite de nous forcer à nous questionner à ce sujet.
Louis Trudeau 28 décembre 2017
Quelles belles photos. Encore chanceux que çà ne se soit pas fini par une « brosse ».Maman nous tenait loin ma soeur et moi des ciseaux de grand-papa, car le résultat était toujours le même:toupet trop court. En vous lisant, je me remémoire des mots dits par les parents aujourd’hui disparus, des situations et des lieux qui sont toujours dans ma mémoire et qui ont fait de moi qui je suis aujourd’hui. MERCI. CELINE
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Toujours un plaisir de vous lire! Vous avez une belle tête …. de cochon et un bon caractère …. de chien ! Bonne année 2018 même s’il fait un froid de canard et qu’on ait la chair de poule!
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