«Ah si mon bac pouvait parler, des air miles lui donnerais.» (Sur l’air de : Ah si mon moine …) «Avez-vous la carte air miles?» me demande-t-on chaque fois que je passe à la caisse de mon supermarché. «Qu’est-ce qu’on peut ou ne peut pas se procurer avec la carte air miles ? Je ne le sais pas. Je n’en n’ai pas.» Cette fameuse carte air miles, encore une astuce pour me faire consommer davantage, pour faire en sorte de m‘encombrer d’objets inutiles ou encore pire pour me suggérer de m’empiffrer d’aliments qui ne peuvent que détériorer ma santé. C’est à bien y penser. Si mon bac de récupération pouvait parler, il en aurait des choses à dire. Il aurait certes son opinion sur tout ce dont je le charge de me débarrasser. Toutes ces choses qui le remplisse jusqu’au au raz bord et dont je n’ai pas de besoin, tous ces gadgets inutiles que je me suis procuré sans vraiment m’en servir.
Puis mon bac ne gobe pas tout, il y a les vêtements portés à quelques reprises pas tout à fait à la mode que je dois aller jeter dans de grands récipients métalliques gérer par une œuvre de charité ou l’autre ; les vieilles batteries et d’autres produits comme les huiles usées qu’il faut transporter au centre de récupération des produits dangereux ; les médicaments à reporter à la pharmacie, sans compter les détritus de toutes sortes qui eux prennent le chemin du dépotoir. Puis qu’est-ce que je fais avec mes appareils électroniques, mon vieil ordinateur, mon I phone d’e l’ancienne génération remplacé à cause d’une d’obsolescence planifiée ?
Enfin il y a les déchets de table pour lesquels maintenant on utilise le bac brun. Dans notre municipalité, ce n’est pas instauré car ce serait trop onéreux d’autant plus que bien des citoyens, dont moi-même, avons l’habitude, depuis plusieurs années, de composter tout ce qui peut l’être et d’utiliser cet or noir dans nos jardins. Mes boîtes à compost cette année furent d’une générosité insoupçonnée. D’elles-mêmes, sans être sollicitée d’aucune façon, malgré une mauvaise année pour les produits de jardinage à cause d’une trop grande humidité, profitant de l’ensoleillement où elles sont situées et de la chaleur générée par les matières en décomposition, elles m’ont abondamment fait don d’une récolte impressionnante de courges et de zuchinis, ce qui m’a procuré la joie de les partager avec mes amis.
Il y a tout de même une consolation ; ce dont je remplis mon bac bleu n’est pas complètement perdu, ça s’en va au recyclage. Mais comment se fait le recyclage ? Est-ce que tout ce que je mets dans mon bac est vraiment recyclé ? Comment fait-on pour écouler ces résidus sur le marché des matières premières ? C’est à voir. Une autre consolation, lorsque je pense que les publicités que je reçois dans le publisac sont automatiquement transférées dans mon bac bleu. Je me dis parfois que la meilleure aubaine est celle qui reste lettre morte et dont l’annonce se retrouve au fond de mon bac. S’il fallait que je me laisse convaincre par un dixième des publicités contenues dans ces imprimés, ce n’est pas un bac bleu qu’il me faudrait dans mon hangar ; ça m’en prendrait au moins une douzaine.
C’est sans compter les publicités incontournables subies sur mon ordinateur. Il m’est impossible de faire une recherche, d’aller sur internet, d’aller m’informer des nouvelles du jour et même d’aller à mon courriel sans être envahi par des publicités. Il y en a partout, c’est comme une démangeaison, ça pique de partout. Même quand je vais voir si le mot que j’utilise est écrit de la bonne façon, la page est pleine de publicités de toutes sortes. Il y en a tellement, que l’on prend l’habitude de les ignorer, mais tout de même c’est énervant. Ouf, si l’on pouvait donc s’en débarrasser une fois pour toute, mais je ne sais pas comment.
Sommes-nous dans une société de consommation ou de publicité à outrance qui, subrepticement, au moyen de cookies vient nous solliciter dans notre quotidien et possède la subtilité de s’adresser à nos centres d’intérêts personnels ? Peut-être est-ce les deux ailes d’un même avion qui me conduit là où je ne sais trop ; qui est sur le pilote automatique et dont j’ai perdu le contrôle ?
À y pensant, en faisant la somme de ce que je consomme, en jetant un coup d’œil sur le lot d’invitations à me procurer ceci ou cela dont on me bombarde à chaque jour, je commence à me demander si ma vie n’est pas à s’organiser en fonction de ma consommation. Est-ce que je serais en train de vouloir de meilleurs revenus pour consommer davantage ? Où cela me conduit-il ? Qui dirige ma vie ? Suis-je à me laisser mener par cet impérieux besoin d’en avoir toujours plus ? Quand vais-je m’arrêter ? Il serait peut-être bon que je prenne quelque temps pour entrer en moi-même et penser à tout cela.
Louis Trudeau 26 décembre 2017