CONDAMNÉS À S’ENTENDRE.

Process Communication

Il arrive parfois de ces hasards où des événements apparemment très éloignés dans le temps et dans l’espace nous font faire des rapprochements absolument fascinants. C’est ainsi qu’il y a quelques jours, un blogue des plus intéressants s’est abonné au mien. Ce blogue, qui s’appelle vivrelibre, décortique, à notre avantage, la psychologie humaine et les relations interpersonnelles. Il nous dirige dans les dédales du mieux vivre. Sa lecture m’a piloté dans une analyse didactique passionnante, je me suis hasardé vers le développement de la personnalité pour me retrouver face à cette question millénaire : Qui suis-je ? Ce qui m’a remis en mémoire l’oracle de Delphes : Connais-toi toi-même. Pour y arriver l’auteur nous renvoie à la méthode du «Process Communication».1 En effet pour bien communiquer avec les autres, il faut commencer par savoir qui nous sommes. Alors je suis allé voir ce lien pour me retrouver en quelque sorte en terrain connu, mais que je n’avais que partiellement assimilé. Il s’agit de tenir compte des diverses personnalités à l’intérieur de la dynamique d’un groupe. Pour ce faire les gens sont regroupés en six catégories selon leur mode de fonctionnement.

Un premier contact

C’est ainsi qu’une étape de ma vie m’est revenue en mémoire. C’était au cours de la première année de mes études en Gestion de Projet. La maîtrise en était une dite professionnelle, ce qui signifiait que pour être accepté, il fallait travailler dans un domaine où se pratiquait la gestion par projets. Pour être accepté, je me suis porté volontaire dans une entreprise en construction dont le propriétaire était un ami. Mes camarades de cours étaient donc dans l’ensemble des ingénieurs de diverses branches ou des architectes, ou encore des arpenteurs-géomètres. Celui qui détonnait le plus dans ce groupe, c’était moi tant par mon âge que par ma formation antérieure en sociologie. Le travail d’équipe était partie intégrante de la formation et le prof nous avait regroupés en équipes de sept étudiants chacune.

Le travail d’équipe

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Travail d’équipe

 

Pour nous préparer au travail collectif, le prof nous avait initiés à la communication interpersonnelle en tenant compte de ce qu’il appela alors les différents modes d’appréhension de la réalité. Il nous avait bien énuméré les six différentes façons de fonctionner, mais je n’en retins qu’une seule à savoir celle que je considérais être la mienne appelée «thinker». Ce que je gardai en tête de sa description, c’est que le «thinker» est un individu qui est convaincu qu’il a la meilleure idée mais qui ne comprends pas que les autres n’y adhèrent pas spontanément. Je considérais que cette description me convenait très bien. Je me préparai donc à participer aux délibérations du groupe en étant conscient que je ne devais pas essayer d’imposer mes idées. Mais le problème, c’est que sur les sept membres de l’équipe, nous étions six à avoir ce profil de «thinker». Alors tout un programme d’autant plus que nous étions condamnés à nous entendre car la note de passage du semestre correspondait à la capacité du groupe à fonctionner ensemble et à atteindre l’objectif visé. Ah oui, il a fallu en mettre de l’eau dans son vin, d’autant plus que l’un de nos camarades était originaire d’un pays du Moyen-Orient alors déchiré par des guerres civiles de sorte que notre ami avait constamment un réflexe instinctif de se braquer contre qui que ce soit percevant systématiquement son interlocuteur comme nécessairement un ennemi mortel. J’avais toujours en tête cette image qu’à chaque intervention, ce dernier pointait son AK 47 ou autre engin du genre. La réussite du fonctionnement de ce groupe fut donc un exercice des plus salutaires et nous découvrîmes que la meilleure façon de venir à bout des réflexes bien compréhensibles de notre camarade fut d’utiliser l’humour ce qui le désarma (l’image est pertinente) complètement. C’est grâce à ce stratagème que chacun des membres de notre groupe réussit à obtenir une note honorable.

 

Depuis lors, je me suis enfermé dans ma conviction que j’étais un «thinker», ce qui dans le fonds ne me déplaisait pas. Mais voici qu’en allant visiter ce site sur Wikipédia, je redécouvre toute la gamme des six modes de communication ainsi que l’histoire du Process Communication ; ce qui sème le doute dans mon esprit.

Origine de la méthode

Ce processus de relations interpersonnelles fut élaboré par un psychologue du nom de Taibi Kahler à la demande de la NASA pour s’assurer de développer des relations harmonieuses entre les astronautes lors des voyages dans l’espace ce qui est sans doute essentiel, si l’on se reporte à la promiscuité que nécessairement vivent, durant plusieurs jours, ces personnes en apesanteur dans un habitacle minuscule. Mais ce que l’article de Wikipédia ne mentionne pas et que m’a appris Jean-Pierre, c’est qu’au cours de la mission Apollon 8 qui, en 1968, fit dix orbites autour de la lune, le commandant Frank Borman eut des relations houleuses avec ses compagnons ainsi qu’avec le centre de contrôle de Houston. Ce serait suite à cette expérience que la NASA fit appel, en 1970 à M. Kahler qui développa le Process Communication.

En quoi, ça consiste

Ghislaine.JPGLe Process Communication vise à harmoniser les relations entre les partenaires d’un groupe. Pour y arriver, les participants ont avantage à tenir compte du mode de pensée caractérisant leurs partenaires. Taibi Kahler, suite à des observations terrains, a donc déterminé six catégories parmi lesquelles chacun de nous priorise son mode de communication. Ces catégories ne sont pas exclusives, ni définitives dans le temps. Au contraire, quelqu’un peut se développer en s’appropriant chacune des catégories en les utilisant selon les circonstances. La maîtrise de ces catégories est visualisée comme un immeuble à six étages que nous pouvons construire tout au long de nos expériences.

Les six catégories correspondent à six types de personnalité de base. Ces types sont : Persévérant, Travaillomane (thinker), Empathique, Rêveur, Rebel et Promoteur. Certaines appellations peuvent nous paraître négatives. Il n’en n’est rien. L’une n’est ni pire, ni meilleure que l’autre. Chaque catégorie a ses forces et ses faiblesses dépendamment des situations. Il y a intérêt à découvrir les caractéristiques de chacun de ces types ainsi que leur façon particulière de réagir en situation de stress. Il faut mettre l’accent sur le fait qu’ils ne sont pas mutuellement exclusifs, loin de là puisqu’une personne peut construire son immeuble à six étages en utilisant comme matériau les avantages de tous et chacun.

Chaque catégorie possède des aptitudes particulières qui peuvent apporter une contribution appréciable dans un groupe. Les caractéristiques peuvent s’exprimer dans des attitudes comportementales verbales et non verbales et expriment un mode particulier de perception de l’environnement. Elles manifestent aussi un «canal de communication privilégié pour entrer en relations avec d’autres types de personnalité.»2 En situation de stress, chaque type possède sa façon de réagir que nous avons intérêt à connaître. Parmi les six identifiés, deux types ont retenus mon attention : Le Persévérant et le Rêveur. «Le Persévérant est consciencieux, engagé et observateur. C’est avant tout un homme ou une femme d’opinion et de conviction.[…] Sous stress, il a tendance à partir en croisade contre ceux qui ne partagent pas son point de vue.»3 Quant au Rêveur, voici quelques caractéristiques : «Le Rêveur est calme, imaginatif et réfléchi. Il est efficace si les tâches sont clairement expliquées et qu’il peut travailler seul […] Sous stress, dans un environnement agité, trop stimulant, il rentre dans sa coquille, se sent débordé et a du mal à achever sa tâche en temps voulu.»4

Limites de la méthode

thumbnail_IMG_8708[1].jpgCependant, il faut faire attention à ce que notre observation des autres ne soit pas une entrave à notre propre collaboration de sorte qu’à trop observer les autres, nous n’ayons plus d’espace pour apporter notre contribution.

Un autre danger serait de considérer cette méthode comme étant la clef solutionnant automatiquement tous les problèmes interpersonnels. Le Process Communication n’est pas une thérapie. Les gens souffrants de traumatismes profonds ne peuvent être traités par cette méthode. Lorsqu’un membre d’un groupe souffre d’un problème sévère, même d’un syndrome de stress post-traumatique, comme c’était possiblement le cas pour mon ami venant d’un pays en guerre civile, il ne faut pas tenter de se substituer aux professionnels des troubles de comportement. Cette méthode développée pour les astronautes s’adressait au départ à des élites ayant déjà passé bien des tests psychologiques, donc à des individus reconnus comme ayant des personnalités fortes et capables de supporter un stress.

Outil de travail

Maintenant que je renoue avec cette approche et que j’en étudie plus en profondeur les diverses données, je me rends compte que je faisais fausse route en m’attribuant les caractéristiques d’un seul de ces types et que ma réalité est plus complexe, que j’ai des façons de fonctionner en groupe qui relèvent de plusieurs caractéristiques au point de ne plus trop savoir laquelle de ces catégories est fondamentalement la mienne.  Alors je me rends compte qu’il m’a été utile d’avoir été en contact avec cette approche, mais que j’aurais eu avantage à mieux la connaître pour en bénéficier davantage. En effet, bien connaitre cette approche du Process Communication peut être un outil appréciable pour nous aider à améliorer nos relations avec les autres ainsi que la connaissance de soi-même.

La maîtrise théorique de ces catégories ne signifie pas pour autant que nous connaissions à fond les autres de même que nous-mêmes. Il faut toujours continuer à observer et à écouter car les gens ne sont pas enchaînés dans une catégorie et ils peuvent évoluer. Il faut considérer ces connaissances comme un outil de travail nous aidant à mieux fonctionner soi-même avec les autres. C’est un outil et comme tous les outils, nous pouvons nous en servir à bien ou à mal. Ce n’est pas une panacée. La bonne attitude de base consiste donc à mettre sa connaissance du Process Communication au service du groupe et de l’objectif poursuivi par ce dernier.

Embûches à éviter

Pierre-Paul.JPGCette méthode peut tout de même cacher certaines embûches. L’on pourrait par exemple développer un complexe de supériorité à l’égard de ses compagnons de travail qui eux n’auraient pas été en contact avec cette méthode ce qui irait à l’encontre même des objectifs du processus et démontrerait une méconnaissance profonde de la méthode. Ce n’est donc pas un passe-partout et il ne faut surtout pas faire montre de supériorité en se targuant secrètement de posséder cet outil ignoré de nos confrères de travail.

S’en servir pour manipuler les autres serait tombé dans un travers signalé comme étant un piège de l’une des catégories. En cela comme en d’autres choses, il ne faut pas se servir de nos connaissances dans un esprit de domination. La connaissance théorique ne nous dispense pas de la nécessité de respecter nos vis-à-vis, ni de les écouter et de les accepter. Il ne faut pas être arrogant ou suffisant, c’est à dire sans possibilité de se questionner. Il faut garder une attitude d’apprentissage. Nous pouvons toujours apprendre de nos confrères de travail quelque soit nos connaissances théoriques. Alors, évitons la rigidité dogmatique et demeurons souples et attentifs.

Pour ceux qui viendraient en contact avec la méthode sans en connaître tous les tenants et aboutissants, Il ne faudrait pas, par ailleurs, se sentir insécure par le fait que l’un ou l’autre des membres du groupe auquel ils participent ait une formation en ce sens. Il faudrait plutôt considérer cela comme un atout pour le succès du fonctionnement du groupe et profiter de l’occasion pour améliorer sa propre participation dans un travail d’équipe.

Conclusion

Chacun de nous utilise intuitivement cette méthode de façon plus ou moins élaborée. Développer nos connaissances en ce domaine, nous permet de tenir en compte l’ensemble des possibilités dans un travail de groupe. Cela nous permet de mieux soutenir nos observations dans notre travail de groupe et également de tenir compte de certains éléments qui autrement pourraient nous échapper. Cette méthode est un outil de travail et comme tout outil, mieux on le maîtrise, plus il peut donner de bons résultats. C’est un instrument qui peut nous permettre d’augmenter nos chances d’obtenir le résultat escompté. Quoiqu’il en soit, en travaillant avec les autres, nous avons une occasion en or de faire appel à toutes nos aptitudes, à tous nos moyens pour arriver au résultat projeté. En effet, pour réussir un travail de groupe, nous sommes toujours condamnés à nous entendre.

Cette approche a ceci de fondamentalement éducative qu’elle nous aide à nous rendre compte que chaque personne a sa personnalité propre et pour bien fonctionner avec les autres, il nous faut nous plier à cette réalité que les autres sont différents de nous quelque soit leur âge, leur sexe, la couleur de leur peau, leur idéologie et leurs croyances religieuses.

 1 Process Communication : Sur le web, sous cette rubrique, on vous offre plusieurs articles à ce sujet.

2 http://www.institut-repere.com Les caractéristiques des 6 types de personnalité de la Process Communication, Institut Repère, Jean-Luc Monsempes.

3 Ibidem

4ibidem

Louis Trudeau                                                                                                       17 janvier 2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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