Dans mes efforts pour tenter d’améliorer mon écriture, je retourne de temps à autre à la lecture de maîtres conteurs tels que Marcel Pagnol, Alphonse Daudet et plus particulièrement ces derniers temps de Guy de Maupassant. Ce dernier a le don, en plus de nous tenir en haleine dans le déroulement d’histoires inédites et parfois rocambolesques, de nous envoûter par des descriptions de la nature à nul autre pareil. Il avait une façon bien particulière de nous associer aux sentiments qui pouvaient l’habiter dans diverses circonstances.
« En une seconde nous sommes partis. On ne sent rien ; on flotte, on monte, on vole, on plane. Nos amis crient et applaudissent, nous ne les entendons presque plus ; nous ne les voyons qu’à peine. Nous sommes déjà si loin ! Si haut ! Quoi ! Nous venons de quitter ces gens là-bas ? Est-ce possible ? Sous nous maintenant, Paris s’étale, une plaque sombre bleuâtre, hachée par les rues, et d’où s’élancent de place en place, des dômes, des tours, des flèches ; puis, tout autour, la plaine, la terre que découpent les routes longues, minces et blanches au milieu des champs verts, »[…]
«La terre n’est plus, la terre est noyée sous les vapeurs laiteuses qui ressemblent à une mer. Nous sommes donc seuls maintenant avec la lune, dans l’immensité, et la lune a l’air d’un ballon qui voyage en face de nous ; et notre ballon qui reluit a l’air d’une lune plus grosse que l’autre, d’un monde errant au milieu du ciel, au milieu des astres, dans l’étendue infinie. Nous ne parlons plus, nous ne pensons plus, nous ne vivons plus ; nous allons, délicieusement inertes, à travers l’espace »
Ainsi Guy de Maupassant nous transmet ce sentiment de volatilité et d’apesanteur qu’ont pu avoir à cette époque les premiers hommes à s’élever dans l’espace. De plus, il nous communique son émerveillement devant des paysages vus des airs pour la première fois. Nous oublions de nos jours que les humains pendant des siècles et des générations n’ont pu observer tant les beautés de la nature que les ouvrages érigés par les hommes qu’à partir d’un regard terrestre, d’un observatoire directement relié au sol. Voir ainsi la terre et ses merveilles à partir d’une nacelle détachée de la terre qui les transportait dans les airs était, à cette époque, une expérience tout à fait nouvelle et demeurait le privilège d’un nombre limité d’individus.
Depuis toujours les humains avaient rêvés de s’élever dans les airs à l’exemple des oiseaux tout en devinant que là-haut, nous devions avoir une sensation particulière en admirant les beautés de la nature. La mythologie grecque nous raconte qu’Icare, le fils de Dédale l’inventeur, qui lui avait fabriqué des ailes semblables à celles des oiseaux, fut émerveillé par la beauté de ce qu’il voyait. Icare pour la première fois expérimentait la griserie d’observer à distance. Au lieu de s’en satisfaire, il en veut plus, toujours plus, ce qui le mène à sa perte.
«Ce vol était merveilleux, Icare admirait les plaines, puis les montagnes, il voyait la mer calme, à perte de vue. Les oiseaux volaient près de lui, l’accompagnant dans ce rêve enchanteur. C’était un spectacle grandiose. Comme il voulait en voir plus, grisé par tant de beauté et oubliant les alertes de son père, il s’éleva encore un peu, se rapprochant dangereusement du soleil.»3
Cette sensation combinée d’apesanteur et d’émerveillement est encore ressentie de nos jours. Mon ami Jean-Pierre me soulignait récemment qu’à chaque fois qu’il monte dans un avion léger, il est constamment envoûté par les paysages toujours plus saisissants les uns que les autres et perçus dans un sentiment difficile à exprimer. Prendre un peu d’altitude nous permet de redécouvrir ainsi la beauté des paysages terrestres et de les admirer d’un point-de-vue différent, ce qui, sans doute, aide à en découvrir davantage les splendeurs et les beautés qui ne cessent de nous émerveiller.
Nous vivons dans l’espace et dans le temps. Les humains ont conquis l’espace, mais ils demeurent dépendant du temps. L’imagination a bien tenté d’inventer des machines à retourner dans le passé ou à se projeter dans l’avenir, mais tous ces fantasmes sont restées lettres mortes. C’est ainsi que nous pouvons dire que nous vivons non seulement à l’horizontale, mais également à la verticale c’est-à-dire dans l’espace et dans le temps. Au cours des derniers siècles, la verticale s’est élargie. Elle a pour ainsi dire permis d’avoir une vue plus globale de la planète et ainsi de ramener l’espace à une compréhension plus complète, et plus synthétisée mais le temps lui demeure toujours ce qu’il était. La vie demeure soumise aux lois de la temporalité qui fait que l’on nait grandit, vieillit et meure. On a beau essayer par toutes sortes de moyens d’éviter la temporalité, comme particulièrement le faisaient les égyptiens des temps anciens en pratiquant la momification et que certains contemporains tentent de reproduire par la congélation que l’on appelle la cryogénisation mais toujours, elle nous rattrape.
Ne serait-il pas préférable d’accepter notre temporalité et de prendre le temps de prendre une distance vis-à-vis nous-mêmes. Lorsque nous regardons les choses de loin, elles nous paraissent plus petites et ont tendances à devenir moins importantes car elles sont davantage perçues dans un ensemble. Ne serait-ce pas la même chose pour les événements de notre vie empreints d’émotion. N’avons-nous pas avantage à prendre de la distance et ainsi à les voir dans une autre perspective. Est-ce que c’est cela que l’on appelle de la méditation ?
1Stat vient du mot latin qui signifie stable.
2 Guy de Maupassant : Le voyage du Horla, publié dans le Figaro du 16 juillet 1887.
3Texte : Élise Bourges Google Chrome.
Louis Trudeau 30 janvier 2019
Louis
Tes textes sont bien ciselés, clairs et des plus agréables à lire.
C’est beau ce que tu écris .
Passe une belle journée
Jp
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Merci Jean-Pierre Louis ________________________________
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