MON PROF.

Il fut mon professeur à l’université de Montréal, lorsque j’entrepris des études en sociologie. Voilà qu’il présente un mémoire à la Commission sur le projet de Loi 21 visant à mettre en lumière la laïcité de l’état. Il n’a pas changé malgré ses 95 ans. Toujours aussi calme, s’exprimant avec un ton chaleureux, sans esclandre, sans saute d’humeur, mais toujours avec un contenu riche, résultat des ses observations et de ses réflexions. M. Guy Rocher est un éducateur de tous les instants. Je suis fier de l’avoir eu comme initiateur de mon cours de sociologie.

M. Guy Rocher; photo d'archives.jpg
Source : Photo d’archives

Je me rappelle l’avoir rencontré, avant de retourner aux études alors qu’il était membre de la Commission Parent dont le rapport a conduit à la décision de doter le Québec d’un ministère de l’Éducation, un premier jalon vers la laïcité dans nos écoles. Déjà, il dégageait une simplicité et un sens d’observation tout naturel et spontané. Il ne faut pas minimiser tout le courage démontrer alors par les membres de cette commission pour proposer un tel changement dans un Québec toujours en dépendance de son attachement à son passé que l’on nous disait glorieux et fidèle à ses traditions. Il fallait avoir une vision de la réalité et une perspicacité des mutations en cours pour avoir l’audace et le courage de proposer un tel changement.

Il fut pour quelque chose dans mon choix de retourner aux études et de choisir la sociologie. C’est lui qui m’a initié à ce nouveau regard sur le monde qui m’entourait alors. C’est lui qui m’a fait comprendre qu’un peuple peut se satisfaire d’être dominé par un pays colonisateur et qu’il est possible de se contenter de ce statut de colonisé. Voilà qu’à la télé, je retrouve cette personnalité attachante, cette même façon de transmettre ses réflexions et découvertes qu’il veut bien nous partager. Il s’exprime toujours avec la même sérénité, calmement, sans agressivité, sans hausser le ton, avec le même respect des opinions divergentes de la sienne. L’on ne ressent pas chez lui cette attitude observée ailleurs du : «Vous devez me croire, puisque c’est moi qui vous le dit; c’est moi le savant, c’est moi qui suis au-dessus de vous et qui sait tout.»

«La religion la plus visible chez nous actuellement, c’est la religion musulmane. Nous ne sommes pas obligés d’accepter cela. Autrefois, c’était la religion catholique.» Il fait cette affirmation à partir d’observations quotidiennes. Il admet qu’il n’existe pas d’études scientifiques sur le sujet, puisqu’il n’est pas possible de les réaliser. Alors, il fait appel au «principe de précaution». Autrement dit, dans l’incertitude, la prudence, ou si l’on veut, la précaution est de mise.

Pour lui, pour garantir la laïcité de nos écoles, c’est-à-dire s’assurer qu’une religion ou l’autre ne cherche pas à s’imposer chez nos jeunes, nous devons demeurer vigilants et exigés que le personnel enseignant se présente neutre à cet égard. Entre le dispensateur d’enseignement et l’enfant récepteur, à l’encontre des corps corporatifs, il choisit l’enfant, c’est-à-dire, celui pour qui l’école existe, ce qui me semble aller de soi, mais qui n’a pas toujours été démontré chez les tenants du refus qui priorisent le corps professoral au nom des droit individuels.

À la commission, il a prôné la laïcité de l’état en tant que progrès vers une société plus juste, plus centré sur ses commettants donnant ainsi un traitement équitable à tous et chacun. Il voit dans la laïcité de l’état un plus grand respect vis-à-vis chaque individu que ce soit les parents, les enseignants ou les jeunes en scolarisation. Il s’est surtout attardé à démontrer l’importance de la neutralité religieuse chez les éducateurs de nos écoles primaires et secondaires. Il est en désaccord avec une vision corporatiste qui met l’accent sur les enseignants plutôt que sur les élèves.

Certains mémoires ont traité ce projet de loi sur la laïcité de raciste et de sexiste. Je me rends compte que l’on peut dire n’importe quoi sur n’importe quoi, lorsque l’on ne fait pas la démonstration de ce que l’on avance. À mon avis, la laïcité prônée par ce projet de loi n’a rien de raciste ou de sexiste puisqu’il traite tous et chacun sur un pied d’égalité. Malheureusement encore aujourd’hui, dans certaines religions, c’est plutôt le pouvoir masculin qui impose aux femmes la façon de se vêtir et de se comporter. Certaines d’entre elles doivent en subir les conséquences si elles posent des gestes d’autonomie particulièrement dans les pays en proie à la théocratie. Je crois que mon prof de socio serait d’accord avec moi sur ce point.

Louis Trudeau                                                                                        23 mai 2019

Un commentaire sur “MON PROF.

  1. Cher Louis, je viens de lire ton commentaire sur ton ancien prof, cette personne qui a profondément marqué le Québec. J’ai la même admiration pour lui. J’ai été fort sensible aux arguments qu’il a avancés au sujet du projet de loi 21. Son principe de précaution qu’il évoquait m’avait convaincu du bien fondé de sa position, D’autant plus qu’il se situe dans le prolongement de notre histoire et nous projette dans le futur.
    Mais voilà, qu’une autre opinion parue dans le Devoir en fin de semaine, sous la plume de Jean-Pierre Proulx, que j’apprécie aussi beaucoup, m’a fait réfléchir. Je suis divisé entre PRÉCAUTION pour l’avenir et la PRUDENCE pour le présent…. qui affectera surement la cohésion sociale et l’intégration des nouveaux arrivants aux défis qui nous attendent en tant que nation.
    Voilà quelques unes de mes réflexions après la lecture de ton texte. Je suis encore fort écartelé !!! Quelle sympathie as-tu pour moi ??
    Jacques et Irena

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