MON CAMARADE FÉLIX

Non de ce n’est pas de Félix Leclerc dont il s’agit. Il s’agit de mon camarade de classe Félix, Félix Vallée1, pour qui, malgré qu’il soit décédé depuis quelques années, j’ai gardé un attachement qui a récemment refait surface.

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Félix en rhétorique 1949

Félix venait d’une famille modeste qui, comme plusieurs familles québécoises de l’époque, avait de la difficulté à joindre les deux bouts. C’est ainsi qu’au cours de sa première année, en éléments latins, au Séminaire qui portait le nom de Juniorat à l’époque, lorsque vint l’hiver et le temps de s’ébattre sur la patinoire, Félix, trop pauvre ne possédait pas les patins lui permettant de se mêler à ses confrères. Un père oblat2 eut vent de la chose et s’adressa à mon père pour lui demander s’il ne procurerait pas une paire de patins à mon confrère. Mon père acquiesça et remis la paire de patin au père oblat qui la fit essayer à Félix en lui  disant : «Ça vous va ! Eh bien, ils sont à vous.» Tant mon père que le père oblat, ne m’en soufflèrent un traitre mot. Vous savez les jeunes, ils peuvent manquer de délicatesse à l‘égard de leurs confrères. Alors mieux vaut garder cela entre adultes. Mais jamais je n’aurais eu de paroles offensantes à l’égard de Félix ; c’était mon ami. Tout au long de notre séjour à Chambly, la fraternité et la solidarité ne s’est jamais démenti.

Puis nous nous côtoyâmes dans l’ouest canadien durant nos études post secondaire où il y avait des échanges ici et là, toujours avec une connivence de sympathie. Par la suite, il fut nommé missionnaire au Chili où il occupa d’importantes fonctions comme celle de diriger un collège de plusieurs centaines d’élèves en plus de son ministère paroissiale. Nous nous sommes revus de temps à autres, à l’occasion. Je me rappelle, qu’en compagnie de mon père, nous lui avions procuré une paire de souliers beige parce qu’au Chili, étant donné qu’ils œuvraient dans le nord du pays dans la région d’Antofagasta, une contrée de mines de cuivre à ciel ouvert, la poussière omniprésente avait inspiré leur supérieur qui avait décidé que les missionnaires porteraient une soutane beige. Il fallait bien que les souliers aillent de pair.

Ce fut en lavant et essuyant la vaisselle, lors d’une rencontre entre anciens confrères, que Félix me rappela l’évènement des patins. Nous étions à la fin soixantaine et avions pris des orientations différentes, mais l’amitié renouvelée n’en fut que plus profondément soudée. De plus, ce rappel a renforcit chez moi le sens de la générosité que m’avait inculqué mon père. Je découvris également qu’un simple geste de bonté peut avoir un impact indélébile sur une vie. Félix n’a jamais oublié ce geste à son égard. Ce fut, je crois, un élément parmi d’autres qui a façonné chez lui ce sens de la gratitude et de la générosité qui le caractérisaient si bien.

Ce fut toujours affairés à la vaisselle, comme des amis de toujours, moi la lavant, lui l’essuyant, la connivence étant à son meilleur, qu’il me fit cette confidence à propos d’une famille d’immigrants asiatiques qu’il avait décidé de parrainer. Comme il ne faisait pas les choses à moitié, il s’était investit profondément pour eux et avait développé une grande amitié de sorte qu’il les visitait fréquemment ce qui lui apporta des attaques pernicieuses de la part de mauvaises langues. Il en souffrait énormément, mais il n’était ni acerbe, ni acrimonieux, il demeurait serein. Il était, pour ainsi dire, victime des fautes commises par d’autres membres du clergé. Profondément dévoué et honnête, cela ne l’empêchât pas de continuer à soutenir ces nouveaux arrivants. À cette époque, il était déjà affaiblit par un cancer du système lymphatique. Il avait décidé de le combattre avec des capsules de cartilage de requin qu’il se procurait non pas dans une pharmacie, mais par une filière latérale. Il était convaincu que ce remède lui permettait de survivre encore quelque temps. Sa détermination lui a, sans doute, donné raison.

Si vous voulez avoir une idée de la personnalité unique de Félix, il faut connaitre ce hiatus dans sa vie qu’il a accepté, comme il le faisait toujours, pour rendre service. Imaginez quoi ! Eh bien on lui a demandé de danser, avec deux filles et un gars, la danse en ligne la plus populaire du temps, à savoir l’Achy Breaky Danse et cela sur le parvis de l’église Saint-Pierre Apôtre située sur la rue Visitation à Montréal de l’autre côté du boul. René-Lévesque où se trouvent encore les studios de Radio-Canada.

Félix V. 2.jpgL’article du Journal La Presse du 24 septembre 2002, signée par Louise Cousineau, nous raconte l’histoire. Des gens de Radio-Canada s’étaient mis dans la tête de faire danser des religieux sur la musique d’Achy Breaky Danse. Une équipe a «trouvé au presbytère de la paroisse Saint-Pierre-Apôtre un oblat qui a d’abord dit qu’il était très faible, puis s’est exécuté avec bonne humeur en ajoutant qu’il était malade, qu’il n’avait jamais dansé de sa vie qu’il était un vieux missionnaire de 71 ans et que ¨si la carcasse avait de la misère à suivre, son cœur était toujours plein de joie et de soleil.¨ L’une des deux jeunes femmes 3 était si contente après sa performance qu’elle lui a sauté au cou. «L’émission était tournée le 5 juillet et a été diffusée le 19 septembre. Ce que la maison de production […] ignorait c’est que le père Félix Vallée était mort dans la nuit du 14 septembre, cinq jours avant la diffusion.»

Sa simplicité, son humilité et sa simplicité ne l’empêcha pas d’assumer de lourdes responsabilités dans sa communauté. Tout particulièrement, il fut supérieur provincial à plus d’une reprise. Il n’en demeura pas moins toujours humble et accessible. Les décisions de Félix étaient toujours prises en fonction de sa générosité et de son dévouement et non pas en fonction des réactions des bien-pensants.

Félix Vallée.jpgFélix fut un héros méconnu. Dans sont article, Louise Cousineau lui rend cet hommage : «C’était manifestement un homme qui aimait la vie et ne faisait pas de chichis. Et qui avait encore le goût de s’amuser et le cœur plein de lumière avant sa mort.» Dans sa simplicité, Félix demeurait toujours lui-même. Il fut pour moi, un modèle et une inspiration. S’il avait vécu au moyen âge, le peuple l‘aurait élevé au niveau de la sainteté et en aurait fait un exemple pour ses pairs. Le problème, c’est que maintenant, il n’y a plus personne pour suivre ses traces.

1 Père Félix Vallée o.m.i. Né le 14 avril 1931 à Stornoway. Ordonné prêtre le 10 juin 1956. Décédé le 14 septembre 2002 à Richelieu.

2 Ce Père était le Père Bruno Dicaire o.m.i . Il était un ami de ma famille.

3 Les deux jeunes femmes étaient les sœurs Danielle et Lynda Laporte et le garçon était l’imitateur Steeve Diamond.

Louis Trudeau                                                                                                     4 décembre 2019

5 commentaires sur “MON CAMARADE FÉLIX

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    Merci beaucoup pour ce beau message.
    Je fais partie de cette famille d’immigrants asiatiques que Père Félix a parrainé en 1997.
    Il sera toujours notre Ange gardien.

    Amir Chand
    Montréal Qc.

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