RÉAJUSTER NOS HABITUDES

Oui le coronavirus chamboule nos habitudes. Nous avons peine à nous y retrouver. Voilà que cela nous demande d’agir de façon qui autrement nous apparaitrait malveillante et stupide. Ainsi la grand-mère et le grand-père qui ont décidé de donner un coup de main à leur fille et qui vont lui porter un récipient remplie d’une soupe concoctée avec amour afin de soulager sa tâche pour quelques repas de la semaine se voient dans l’obligation de laisser le tout sur la galerie. Ils reculent de quelques pas pour téléphoner afin d’aviser la petite famille de leur arrivée. Ils attendent quelques instants et voient leur fille accompagnée de leurs petits enfants ouvrir la porte et les saluer à distance sans pouvoir les serrer dans leurs bras, ce qui dans d’autres circonstances seraient une manifestation indigne et innommable alors que mainteant, à cause du Covid 19, il s’agit d’un geste de précaution tout à fait recommandable. Il n’est tout de même pas étonnant que la grand-maman essuie quelques larmes.

Si vous êtes atteint de la maladie et que vous osez vous promener dans la rue, vous commettez un crime grave à l’égard de nos semblables. C’est comme si vous vous promeniez avec une grenade ou une bombe antipersonnel dans les mains. Vous mettez la vie de plusieurs personnes en danger dont la vôtre et avec raison vous serez appréhendé et conduit en isolement. Nos repères habituels ne tiennent plus. Les droits individuels font place à la survie de la collectivité.

Ainsi des gestes tout simples, des gestes de la vie quotidienne prennent une importance capitale et peuvent entraîner des conséquences graves. Pire encore, la solidarité sociale exige de rester à la maison alors que d’habitude, l’on descend dans la rue pour manifester sa solidarité avec l’ensemble de la collectivité. Nous vivons véritablement dans un monde à l’envers.

Notre cerveau ne réussit tout simplement pas à s’y faire. Nous vivons en contradiction avec les règles usuelles de notre société. À cause de mon âge, je dois rester chez moi seul dans mon coin alors que l’on conseille fortement aux personnes âgées de socialiser et d’éviter l’isolement. Oui il nous faut réaligner les synapses de notre cerveau ; changer non seulement nos habitudes, mai la presque totalité du coffre à outils de notre système de valeurs. Dire que c’est facile serait se réfugier dans le déni ; dire qu’on s’y fait facilement serait dire des sottises.

Nous pouvons toujours nous rabattre sur le téléphone et l’internet, c’est mieux que rien, mais il manque toujours le contact physique. La véritable présence de l’autre. Il faut bien le reconnaitre, nous les humains, nous sommes des animaux grégaires. Personne ne vit seul. Il y avait bien aux temps anciens de ces ermites qui s’exilaient dans le désert, mais pour combien de temps. La différence c’est qu’ils le faisaient librement et il leur était toujours possible de venir faire un tour parmi les humains. Certains moines vivent dans le silence, mais ils sont tout de même cénobites et ont bien des façons de communiquer entre eux.

N’est-ce pas le temps alors de découvrir le sens profond de ces petits gestes de la vie quotidienne que nous avons habituellement la chance d’exprimer couramment. Puisque pour un temps, il ne m’est pas permis d’exprimer mon affection par un câlin, lorsqu’il me sera permis à nouveau de le faire, J’apprécierai encore davantage toute l’importance d’exprimer l’affection que je porte aux miens. En attendant, multiplions les bisous, leur signification demeure. En effet, si les câlins ne sont pas possibles, les bisous demeurent disponibles.

En résumé pourquoi ne pas profiter de la situation pour faire le point et apprécier davantage les chances que nous avons. Se dépasser, monter toujours plus haut dans les marches de notre vie. Plus c’est haut, plus impressionnante et belle est la vision.

Louis Trudeau                                                                                                       23 mars 2020

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