Parmi les enjeux de société qui sont au moins partiellement occultés par la pandémie, il y a actuellement ces audiences du BAPE sur le projet GNL Québec qui consiste en la construction d’un pipeline de 750 km pour le transport de gaz de l’ouest canadien jusqu’au Saguenay d’où il serait liquéfié pour être transporté par de super méthaniers sur le Saguenay et l’estuaire du Saint-Laurent en direction de l’Europe.

Plusieurs font la démonstration qu’il va causer plus de tort que de bien. Chacun de ces arguments sont suffisants en eux-mêmes pour démontrer que ce projet devrait être banni à jamais. Ainsi, M. Sylvain Gaudreault, député de Jonquière au Saguenay, le considère comme un éléphant blanc qui risque d’apporter beaucoup plus de coûts réels que les bénéfices financiers escomptés. L’Association québécoise des médecins pour l’environnement a condamné le projet ainsi qu’une quarantaine d’économistes. Voici un argument massue parmi tant d’autres : «Sur le cycle complet du projet, de l’extraction du gaz à sa liquéfaction au Saguenay, le projet émettra près de 7,8 millions de tonnes de CO2 par an, donc il annulerait en un an tous les efforts de réduction des gaz à effet de serre (GES) du Québec depuis 1990.»
D’autres arguments ont trait à la survie du troupeau de bélugas qui ont établi leur demeure dans l’estuaire du Saint-Laurent et qui sont classés comme étant une espèce menacée d’extinction. C’est dans cette perspective que je veux apporter un argument complémentaire à ceux déjà exprimés.
Ça commence par une histoire hors du commun. C’est arrivé, il y a de cela bientôt vingt-ans, soit en 2001. Mme Monique Hénault, une avicultrice de Saint-Félix-de-Valois, dont la ferme est située à plus de 30 kilomètre du fleuve Saint-Laurent a, tout à fait par hasard, trouvé des ossements d’un fossile de béluga dans son champ alors qu’elle était allé inspecter les travaux d’excavation visant à permettre une irrigation efficace de l’une de ses propriétés.

Les spécialistes, archéologues, paléontologues et géologues ont vite compris l’importance de la découverte et se sont empressés de le récupérer en respectant les règles de l’art. Ils ont vu juste puisque l’analyse au carbone 14 a démontré qu’il s’agit d’un subfossile de 10 700 ans ce qui nous reporte à l’ère préhistorique de l’âge de pierre dans le développement de l’espèce humaine.
On lui donna le nom de Félix en lien avec la municipalité où il fut découvert. Les média furent convoqués et une émission de Découverte à Radio-Canada lui fut consacrée. Puis le fossile fut exposé au Biodôme de Montréal durant quelques années. À partir de 2021, il sera intégré au Centre d’Interprétation des mammifères marins du GREMM (Groupe de Recherche et d’Éducation sur les Mammifères Marins)
Plus que tout autre fossile antérieurement mis à jour, Félix nous révèle la mer de Champlain, cette immense étendue d’eau salée de 50 kilomètres carré qui couvrait le territoire qui est aujourd’hui celui de la plaine du Saint-Laurent. Comme point de repère, nous avons calculé qu’entre l’endroit où fut trouvé le squelette et l’autre côté de la mer de Champlain où est situé aujourd’hui, en ligne directe, la ville de Granby, elle avait 103 kilomètres de large.

Nos recherches nous ont conduits jusqu’aux bélugas actuels de l’estuaire du Saint-Laurent. Nous avons découverts que les bélugas québécois constituent le troupeau de ce mammifère vivant le plus au sud de l’hémisphère nord et qu’il n’a pas de contact avec d’autres groupes de baleines blanches ce qui est un autre nom de l’espèce. De plus, et ça c’est important, ils sont les héritiers, si l’on veut les descendants des bélugas de la mer de Champlain ce qui explique leur présence sur notre territoire. Il y a donc un lien étroit entre notre subfossile du temps de la mer de Champlain et les bélugas d’aujourd’hui dans le Saint-Laurent. Ils font donc partie intégrante de l’histoire de notre contrée. Ce sont les premiers occupants. Ils ont précédés les humains dans ce lieu qui est aujourd’hui le centre vital du territoire québécois. Ils ont une valeur patrimoniale inestimable. Mettre leur survie en danger par le passage incessant de navires méthaniers est inconcevable.
Au contraire, il serait plutôt tout indiqué de faire tout ce qui est possible pour en assurer la pérennité. Il serait même de mise de faire reconnaitre les bélugas du Saint-Laurent, par l’UNESCO, comme étant un patrimoine mondial de la biodiversité.
Nous comptons, au cours de la prochaine année, souligner par un volume dont le titre sera : L’Odyssée de Félix le Béluga, l’histoire de cette trouvaille exceptionnelle et les liens de cet ancêtre de 10 700 ans, avec ses possibles descendants d’aujourd’hui vivants dans l’estuaire de ce fleuve sans pareil qu’est le Saint-Laurent.
Louis Trudeau 20 décembre 2020
Pertinent Louis
Et bien écrit à part ça.
Penses tu qu’Yves Perron pourrait prendre l’enjeu pour le BQ ?
L’enjeu pour moi étant de placer Félix comme patrimoine mondial.
Jp
Envoyé de mon iPad
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Bravo Louis et Jean-Pierre pour votre passion qui amène une histoire super intéressante
Sylvain & Isabelle Trudeau
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