L’ÉMOTIVITÉ DES MOTS

Un même terme peut avoir diverses significations. De plus avec le temps, il prend parfois une charge émotive différente, au point qu’il se trouve que l’on n’ose même plus prononcer ce terme de peur de représailles. Autre temps autres mœurs disait-on, nous pourrions également dire autres temps, autre signification.

Comment nomme-t-on ce fruit ?

Prenons par exemple le terme sauvage. Déjà en prenant ce mot comme exemple, je risque de me faire taper sur les doigts. Qu’importe, c’est un exemple qui illustre bien mon propos. Que signifiait sauvage à l’origine ? Pour s’y retrouver, on se tourne vers l’étymologie du terme. Sauvage vient du latin silvaticus qui veut dire qui vit en liberté dans la forêt. On l’utilise pour un animal des bois en contrepartie des animaux domestiques. Il n’y a rien de péjoratif à vivre dans la nature, dans la forêt. Au contraire, de nos jours, particulièrement en ce temps de pandémie, c’est plutôt un privilège. Malheureusement, le terme a pris une autre signification dans nos sociétés. On l’a assimilé à une personne fruste, sans éducation, sans bonnes manières, qui s’exprime avec des jurons, qui n’a pas de savoir vivre, un barbare quoi. On l’a aussi utilisé, il faut bien le reconnaitre, pour coller une étiquette à des personnes à cause de leur origine ethnique sans vraiment connaitre leurs us et coutumes. Aujourd’hui, je n’oserais utiliser cette appellation à cause de la densité émotive et négative qu’elle recèle. C’est dommage, car le retour à la nature fait de nous des sauvages heureux de l’être.  De plus, c’est de la même étymologie que viennent  des termes forestiers comme sylviculture et sylvestre ; un adjectif qui est aussi un nom de famille. On retrouve également des prénoms comme Sylvain et Sylvie qui ne manquent pas d’aura.

Un autre terme dont l‘utilisation me met parfois les nerfs en boule, c’est celui de nationale. Au Québec, nous avons notre Assemblée Nationale sur la colline du parlement dans la ville de Québec. À Radio-Canada, les nouvelles nationales sont les nouvelles qui concernent tout le Canada donc pancanadiennes. Dans mon esprit à moi, c’est une utilisation abusive du terme comme signifiant la négation de la Nation québécoise et je n’accepte pas cela. Cela me renforcit constamment dans ma conviction que le fédéral cherche constamment et par tous les moyens à canadianiser le Québec, ma patrie. Oui l’utilisation de la langue prend souvent une connotation politique.

Enfin, une autre expression de notre vocabulaire m’apparait être utilisée  à toutes les sauces, sans qu’on en sache vraiment le sens que l’on y donne. C’est cette expression, utilisée je ne sais combien de fois par jour, de racisme systémique. Pourquoi tient-on tant à cette expression ? Je suis tenté de penser que c’est parce qu’elle veut tout dire et rien dire à la fois. C’est une expression passe partout dont on se garde bien de donner la signification. Ainsi, on peut s’en servir à profusion sans danger de se faire contredire. Encore là, c’est de bonne guerre, mais c’est également malheureux, parce que l’on maintient l’ambiguïté et l’ignorance quant à son contenu. Cette expression fait appel à un système ou encore à systématiquement, ce qui n’est pas nécessairement la même chose. Il m’apparait que systématiquement signifie que l’on pose couramment le même geste par habitude, sans réfléchir à son geste comme si la chose allait de soi. Un système, c’est autre chose, car il s’agit d’un ensemble de gestes sciemment organisés en vue d’en arriver à un résultat défini à l’avance. Alors racisme systémique, c’est quoi ? Je suis toujours en attente d’en comprendre le sens.

En conclusion, Comment désamorcer le trop plein d’émotivité dans l’utilisation des mots ? Alors, je me remets en mémoire cette directive de l’un de mes professeurs en Gestion de Projet : «Vous pouvez utiliser le mot que vous voulez, en autant que vous en donniez la définition.»

Louis Trudeau                                                                                           29 janvier 2021

Un commentaire sur “L’ÉMOTIVITÉ DES MOTS

  1. La parole est à moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute.
    Moitié à celui qui écrit, moitié à celui qui lit.
    Des propos que l’on croyait anodins réveillent des monstres.
    Des phrases que l’on imaginait assassines font pousser des marguerites.
    (Rima El Kouri, La Presse)

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