Laïcité versus Neutralité

À mon avis,  la loi 21 du Québec que l’on appelle la loi sur la laïcité de l’état devrait être plutôt identifiée comme étant la loi de la neutralité de l’état. Voici pourquoi.

Traditionnellement dans la culture québécoise, c’est–à-dire lorsque j’étais enfant, un religieux consacrait sa vie à faire connaitre la religion à l’ensemble de la population. Une religieuse se consacrait à Dieu et occupait sa vie dans des œuvres de charité. Pour ce faire le religieux renonçait à élever une famille dans la religion catholique. Le laïc, de son côté, était celui qui, quoique pratiquant les mêmes rites, gagnait sa vie par son labeur et assurait la subsistance à une famille. La conjointe épaulait son mari et s’occupait plus particulièrement d’élever les enfants. Bien sur, c’est un résumé et c’est nécessairement réducteur. Donc, dans notre société, il y avait deux autorités ; l’autorité religieuse et l’autorité laïque. Les deux étaient hiérarchisés ; la laïque par le maire, le député, le premier ministre ; la religieuse par le curé, l’évêque, le pape. Encore là on simplifie.  Tout cela se faisait dans l’ordre et l’harmonie.

Puis vint des chamboulements, d’ordre technique, scientifique et structurel.  Pour illustrer, on peut signaler la pilule contraceptive et la révolution tranquille avec les commissions scolaires linguistiques, l’assurance-santé, la Caisse de Dépôt et de Placement et Hydro-Québec. La religion a alors perdu son leadership ; les gens refusant de lui accorder le droit de s’immiscer dans leur vie personnel tout en prenant conscience que la pratique de rites évacuait le sens du message fondateur et enlevait toute crédibilité au messager surtout lorsqu’apparurent les déviations sexuelles d’un certain nombre de membres du clergé.

Avancer non sans peine. Source Louisette Gagnon

Maintenant, les gens cherchent péniblement ailleurs le sens à donner à leur vie. La religion telle que vécue précédemment ne les guide plus. Il faut le reconnaitre. Il leur reste l’état civil qui leur impose des lois pour la bonne conduite des affaires publiques permettant à un certain nombre de s’enrichir et à l’ensemble de la population d’assez bien s’en tirer. Ainsi on  évite que les récalcitrants de descendent  trop souvent dans la rue ce qui atténue les émeutes, les grèves, les protestations de tout genre.  En résumé, la main d’œuvre se doit d’être à son boulot et les autorités sont là pour s’en assurer. Quoiqu’il en soit, au Québec, les gens ne veulent pas revivre la main mise du religieux traditionnel sur leur vie. Le gouvernement a compris cela et avec l’assentiment de l’ensemble de la population,  il s’est doté d’une loi exigeant de la part des personnes en autorité d’éviter de manifester leur appartenance religieuse pour bien s’assurer que l’on ne reviendrait pas en arrière.

Tous n’ont pas compris le sens de cette loi. Bon il y eut quelques remous, mais l’on a quand même passé à autre chose, la Covid aidant. Mais voilà qu’un événement, impromptu ou planifié, on ne sait pas, vient chez nos amis du reste du Canada, remettre la question à l’avant-scène. Une jeune femme a réussi à se faire embaucher temporairement par une commission scolaire anglophone en tant qu’enseignante tout en exigeant de porter un voile islamique sur la tête et les épaules en contravention avec la loi. D’où les haut cris etc. Ceci nous permet une réflexion qui peut être constructive.

La question qui se pose est que reste-t-il de la religion dans nos vies ? Doit-elle être totalement évacuée ? En effet, on dit que présentement, au Québec, plus de la moitié des gens indiquent qu’ils n’appartiennent à aucune religion; ce qui n’est pas le cas dans le reste du Canada.

Pour tenter de répondre, je me suis tourné vers des penseurs de notre temps. On ne dit plus des sociologues ou des psychologues ou des philosophes car ces gens-là sont de plus en plus multidisciplinaires. Celui qui m’a profondément marqué est Frédéric Lenoir dont la pensée est inspirée par des maîtres tels que Socrate, Aristote, Sénèque, Spinoza, Bouddha, Freud, C.G. Jung et bien entendu Jésus de Nazareth. En résumé Frédéric Lenoir, nous dit qu’il nous faut nous libérer des rites religieux pour nous consacrer  à la compréhension intérieure du message religieux ce qui nous amène à la vraie liberté de soi et au véritable amour qui se vit dans le respect et l’entraide avec le prochain. Il y aurait long à explorer sur le sujet. 

Donc le mot laïcité était utilisé lorsqu’il y avait partage de l’autorité entre le civil et le religieux ; ce qui n’est plus le cas.  La neutralité signifie qu’il y a rupture entre les deux et que l’état, qui gère seul la vie publique, ne se mêle pas de la vie personnelle des gens. Ainsi qu’une loi québécoise exige que les porteurs de l’autorité civile respectent la neutralité de l’état ne peut que nous aider à mieux comprendre où se situe notre véritable relation avec le divin. C’est donc un avancé collectif dans la quête du sens de la vie.

Louis Trudeau,  28 décembre 2021

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