REPENSER DIEU

Jean d’Omersson est décédé le 5 décembre 2017 à l’âge de 92 ans. Cet homme avait une pensée qui m’accroche. Pourquoi ne pas profiter de son décès pour nous en inspirer. En effet, il a eu une vision intéressante de la vie, de la mort, de Dieu, de la beauté, du bonheur, en sommes de ce qui nous travaille et nous questionne.

Jean d’Ormesson fut l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages, allant du roman jusqu’aux essais philosophiques. Pendant de nombreuses années, il occupa le poste de directeur général du journal Le Figaro. Il fut couramment invité à des émissions de télévision «pour son érudition et son art de la conversation.» Aimant de sa langue, il fut membre de l’Académie Française pendant plus de 40 ans. Il n’est pas exagéré de dire que ce fut un grand penseur que nous avons intérêt à connaitre puisque dans sa réflexion sur la vie, la mort ou Dieu, il intégrait les connaissances des temps actuels. Nous ne sommes pas obligés d’être en accord avec tout ce qu’il a dit et fait. Il fut en effet un homme de droite ce qui ne plait pas à tous. Mais il avait une liberté de penser qui peut nous inspirer. De plus, c’était un optimiste qui aimait la vie, le beau et le bon.

Trois jours avant sa mort, il écrivait encore. Voici ses adieux : «Une beauté pour toujours. Tout passe. Tout finit. Tout disparait. Et moi qui m’imaginais devoir vivre toujours, qu’est-ce que je deviens ?  Mais que je sois passé sur et dans ce monde où vous avez vécu est une vérité et une beauté pour toujours et la mort elle-même ne peut rien contre moi. »

Il a eu une pensée personnelle sur Dieu et les religions. C’est sur ce point particulier qu’il me convoque à réfléchir. Ce qui est frappant, c’est qu’il nous invite à penser Dieu en dehors des cadres d’une religion. Dans une entrevue diffusée sur Radio Canada, Il remarquait que nous savons depuis à peine 100 ans d’où nous venons. Ce sont les astrophysiciens qui nous le révèlent pour ce qui est de l’origine de l’univers. Nous venons d’un trou noir. Ce sont les anthropologues qui nous découvrent l’origine de l’humanité. C’est confirmé, nous sommes sur cette terre depuis plus de cent milles ans et l’homo sapiens que nous sommes n’est qu’un descendant d’autres espèces animales. Nous savons également que chaque humain a les particularités de son cerveau. Les religions se sont élaborées avant que l’homme n’ait acquis ces connaissances ce qui n’empêche pas que le mystère subsiste sur les origines du monde avec ses milliards d’étoiles et de galaxies. Comment se fait-il également que nous soyons capables à la fois des pires exactions et d’un héroïsme pur et sans faille ? Comment notre cerveau fonctionne-t-il ? Les religions actuelles se sont élaborées bien avant que nos scientifiques découvrent ces réalités. Alors se pose la question : Comment penser Dieu en tenant compte de ces connaissances qui ont débuté avec la découverte de Copernic que la terre est ronde ?

Nous avons l’habitude de nous demander qu’est-ce qu’il y aura après la mort, mais il faudrait aussi se questionner sur qu’est-ce que nous étions avant la vie. La vie somme toute est un court espace entre l’avant et l’après. Nous savons en partie ce qu’il y avait avant nous parce que nous l’apprenons de par les historiens, mais nous n’étions pas plus présents avant notre naissance que nous le serons après notre vie. Se peut-il que pour nous, l’après vie soit quelque chose qui ressemble à l’avant vie ? Quelque chose de bien différent que ce que nous pouvons imaginer. Jean d’Omersson croit que c’est possible, il nous dit qu’il faut réfléchir à Dieu en dehors des religions, c’est-à-dire en dehors des cadres de penser qu’imposent les religions, donc en tenant compte de ce que nous savons et qui n’était pas connu au temps où les systèmes religieux se sont développés. Les religions sont souvent paralysées par l’embûche de la certitude de posséder la vérité, toute la vérité, ce qui risque la sclérose, le durcissement des positions et même parfois empêche de reconnaitre l’authenticité des nouvelles découvertes scientifiques.

Les religions, c’est un peu comme les taies d’oreiller. « Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir en commun entre les religions et les taies d’oreiller?» Me direz-vous. Eh bien voilà. Un sociologue a eu la brillante idée d’étudier les habitudes de la vie quotidienne pour tenter de comprendre la personnalité des gens. Il a, entre autres choses, observé qu’il y avait 14 façons différentes de plier les taies d’oreiller et ajoutait-il : «Chacune est la seule bonne.»  Certains croyants pensent aussi que leur religion est la seule bonne. Chaque religion a ses forces et ses faiblesses, chaque religion a engendré de grandes âmes et des escrocs, de grands penseurs et de grands profiteurs. Chaque religion a un historique à la fois méprisable et glorieux. La religion a encore sa place dans notre monde, mais pas comme il y a cent ans et encore moins comme les millénaires précédents.

Alors, ce n’est pas une si mauvaise idée que de repenser Dieu en dehors des religions, ce qui ne nous empêche pas de pratiquer l’une ou l’autre des religions selon ce qui nous convient, ou encore selon la tradition de notre culture. Ainsi donc si je comprends bien Jean d’Ormesson, le cadre rigide et séculaire des religions est une espèce d’entrave à la perception de Dieu dans le contexte actuel. Il nous faut tenir compte des découvertes des derniers siècles, en particulier en ce qui concerne l’origine du monde et l’apparition des humains sur terre.

Il dit que ce n’est pas tellement sur la foi qu’il faut s’appuyer, mais sur l’espérance. En effet, nous ne savons pas. Celui qui a la foi traditionnelle croit qu’il sait, mais de fait nous ne savons pas ce qui nous attend après la mort, mais il y a toujours l’espérance car si la vie nous révèle plein d’exactions de la part des hommes qui nous font douter de l’existence de Dieu, il ya également dans ce monde tellement de choses extraordinaires de beauté et de bonté pour lesquelles il faut aussi trouver une explication.

Je ne sais trop comment M. d’Ormesson définit la foi. Il y a, à mon sens, différentes compréhensions de ce qui est la foi. Parfois, l’on a l’impression que la foi est définie comme la certitude que des gens ont de l’existence de Dieu. Il semble adhérer à cette à cette compréhension de la foi, ce qui n’est pas, à mon avis, le véritable sens du mot foi. La foi n’est pas une certitude, c’est une croyance. Penser que la foi donne l’assurance que Dieu existe est illusoire. Nul être humain n’est certain que Dieu existe ou n’existe pas. Nous y croyons ou nous n’y croyons pas. Nous pouvons aussi avouer que nous ne savons pas. C’est pour cela que l’espérance est la compagne incontournable de la foi. Avec l’espérance, tout être humain, qu’il soit chrétien, juif, musulman ou même athée, peut se dire : «Je ne sais pas si je crois, mais je peux me réfugier dans l’espérance.  Je peux espérer pouvoir retrouver ailleurs celles et ceux que j’ai aimé sur cette terre.» Car l’espérance nous soutien dans notre vision incertaine et floue de ce qui nous attend après cette vie. Loin de moi, la pensée de prétendre vider la question de l’existence de Dieu. Tant qu’il y aura des humains sur cette terre, la question se posera.

Comment ne pas s’extasier devant un coucher de soleil qui revient tous les soirs avec ses particularités, ses nuances de couleurs, que mes yeux peuvent distinguées dans toute leur luminosité, que mon cerveau est en mesure de trouver les mots pour le dire et ma main pour l’écrire ou le peindre et ainsi transmettre cette communion. D’où nous vient un tel spectacle, si ce n’est de quelqu’un, de quelque chose qui nous dépasse. Les humains, quelque soit l’époque où il leur a été donné de passer sur cette terre, ont pu admirer ce spectacle et avec les connaissances de leur époque en déduire qu’il existe en quelque part une puissance qui leur est supérieur. Alors n’y a-t-il pas lieu d’espérer.

Louis Trudeau                                                                                                  12 décembre 2017

7 commentaires sur “REPENSER DIEU

  1. La religion est un cadre pour apprivoiser Dieu, comme une université est un endroit d’enseignement pour apprendre des notions de toutes sortes. (Sans université, bravo à celui qui pense tout inventer par lui-même). Ensuite, c’est à chacun de mettre en application ce qu’il retient de cet enseignement.

    Quant à l’homo sapiens qui a évolué au cours des ans, la science ne nous dit pas quand l’étincelle de l’intelligence et de la conscience sont apparues… On pense savoir mais on ne sait pas grand chose finalement…

    Pour conclure, je crois qu’au contraire de ce que pense ce penseur, beaucoup d’êtres humains sont convaincu de l’existence de Dieu. Ce qu’on sait moins, c’est comment Dieu est exactement.

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  2. La foi pour moi c’est croire que l’amour est vrai et que cet amour me crée et me recréera tant qu’il vivra. Et cet Amour crée la vie crée toute vie , à moi de le devenir et cela demande du temps, le temps réel de ma création comme être humain venu d’une poussière d’étoile.

    Je vous cite Maître Eckart un mystique que j’aime bien:
    Dieu on ne sait pas ce qu’est Dieu; il n’est ni lumière , ni esprit , ni vérité, ni unité , ni ce qu’on nomme divinité , ni sagesse, ni raison, ni amour , ni volonté, ni bonté, ni chose ni non chose , ni être ni esprit . Il est ce que ni moi ni toi ni aucune créature jamais n’éprouvent qu’en devenant ce qu’il est .

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    1. Bonjour Monique

      Merci pour votre si judicieux commentaire. Maître Eckhart ne m’est pas inconnu puisque j’ai dans ma bibliothèque le livre de Jean Bédard que j’ai lu avec beaucoup d’intérêt, il y a déjà quelques années. Je crois qu’il a Repensé Dieu à une époque où les foudres du Vatican étaient une menace constante et il n’y a pas échappé. Mais sa pensée survit à ceux qui l’ont condamné parce que, comme vous dites, sa compréhension de Dieu est empreinte d’amour. Bonne journée Bonne et Heureuse Année Et le souhait de nos ancêtres communs : Le Paradis à la fin de vos jours. Cousin Louis ________________________________

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