MENACES

Depuis que le coronavirus a fait son apparition, nous sommes tous confrontés à une menace invisible mais omniprésente. Nous pouvons en être victime presqu’à tout moment. Elle peut nous être transmise inconsciemment par notre meilleur ami. Alors inutile d’insister pour nous convaincre qu’il nous faut nous méfier et prendre des mesures draconiennes pour nous en protéger.

Nous avions perdu cette habitude d’être constamment sur nos gardes pour être en mesure d’affronter une menace omniprésente dans nos vies. Plusieurs maladies contagieuses étaient pratiquement éradiquées de nos communautés occidentales. Des maladies comme la tuberculose ou la lèpre faisaient partie de l’histoire ancienne. Les épidémies d’influenza étaient contrôlées par des vaccins appropriés. Nous avions bien quelques réminiscences de certaines pandémies dans notre vocabulaire comme pestiféré ou encore : «en avoir peur comme de la peste», mais nous utilisions ces mots un peu comme par habitude sans trop nous attarder à nous demander d’où nous venait cette habitude de nous exprimer. Mais voilà que, depuis quelques semaines, tout a bousculé et nous nous retrouvons comme nos ancêtres à vivre constamment sous la menace d’un ennemi qui peut nous terrasser à tout moment.

Pourtant si nous nous arrêtons quelques instant pour y penser, nous constatons que depuis qu’il y a des humains sur terre, pratiquement toutes les générations avant la nôtre ont eu à vivre dans un climat de crainte alors qu’un ennemi quelconque pouvait surgir à tout moment et causer la mort de l’un ou l’autre des habitants d’un village, d’une tribu ou d’une nation.

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L’homme préhistorique d’après Simon

Dès son apparition sur terre, l’homme, imitant en cela ses ancêtres à quatre pattes, s’est organisé pour se prémunir contre les diverses menaces qui pouvaient l’éliminer. Il a vite compris qu’il lui était avantageux de se regrouper pour mieux faire face à l’adversité ainsi que de se réfugier dans un abri dont il pouvait contrôler l’accès. C’est pourquoi on l’appelle l’homme des cavernes. À l’intérieur, on organisa les rôles et distribua les tâches selon l’âge et les capacités physiques de chacun.

Force est donc de constater que depuis que les humains ont fait leur apparition sur terre, ils vivent avec des menaces incessantes comme celles des phénomènes naturels tel les tremblements de terre¸ les éruptions volcaniques ou encore les météorites ; ou encore que ce soit celles venants des animaux sauvages tel les mastodontes et les serpents ou même des insectes. Finalement, on ne peut ignorer les envahisseurs d’autres groupements humains contestant l’approvisionnement en nourriture ou en eau ou tout simplement assoiffés par le désir de pouvoir et de domination.

Nous pourrions revisiter l’histoire de la vie humaine sous cet angle d’une organisation sociale en fonction des diverses menaces que les regroupements familiaux, ethniques ou autres ont pratiquement toujours eu à affronter. Par exemple, nous pouvons nous remémorer la façon dont étaient construits les villes et châteaux fortifiés du moyen âge souvent érigés sur des promontoires ce qui permettait d’installer des vigies pouvant voir venir l’ennemi de loin. On se défendait, probablement moins efficacement, contre les maladies infectieuses qui périodiquement décimaient les populations. Je me rappelle d’être allé visiter «le mur de la peste» dans le sud de la France.

Lorsque j’étais enfant, chez moi, les dangers qui nous menaçaient le plus étaient les maladies infectieuses comme la tuberculose et la variole contre lesquelles nous nous défendions en acceptant de nous faire vacciner, mais ce qui occupait notre quotidien c’était le la crainte du feu et particulièrement des voleurs. Comme nous avions un commerce, il nous fallait quotidiennement mettre en application un certain nombre de mesures de sécurité comme de vider la caisse enregistreuse tous les soirs à la fermeture et faire entrer le chien à l’intérieur de la section entrepôt du magasin que nous appelions le back store.

Petit à petit, nos sociétés se sont organisées pour se prémunir collectivement des diverses menaces qui les confrontaient. On a compris que pour combattre les épidémies, il fallait mettre en œuvre diverses mesures d’hygiène. En plus de la santé publique, nous avons développé un réseau de centres hospitaliers supportés par une brigade d’ambulanciers. Nous savons que le feu se combat avec de l’eau et qu’il faut avoir une équipe de pompiers constamment prête à intervenir en cas de sinistre. Pour ce qui est des mécréants et des individus aux allures louches ou dubitatives, nos corps policiers ont été formés pour intervenir adéquatement. Pour ceux pour qui les mesures incitatives ne suffisent pas, eh bien nous avons construit des endroits spécifiques pour eux avec un système bien organisé pour les garder à l’intérieur des murs. Nous maintenons une armée pour garder notre capacité d’éviter que les puissances étrangères aient des intentions de suprématie à notre égard. Comme ce n’est pas assez, notre société a mis sur pied le summum de la protection, c’est –à-dire un système d’assurances pratiquement tout azimut en commençant par votre lieu de résidence et votre auto ce qui vous permet, du moins en principe, de dormir sur vos deux oreilles.

Ainsi, depuis peut-être une quarantaine d’années, dont le début pourrait possiblement coïncider avec la fin de la guerre froide, nous avions à toute fin pratique perdu l’habitude d’organiser nos vies d’abord et avant tout en nous protégeant contre d’éventuels prédateurs ou ennemis. Notre société a pour ainsi dire circonscrit l’ensemble des éventuelles menaces et a organisé nos vies pour que nous puissions jouir des plaisirs qu’elle peut nous offrir et qu’il est légitime d’avoir à notre portée. Tantôt ce sont les gouvernements qui prennent notre sécurité en charge en y consacrant une bonne partie de nos impôts. Pour le reste, des compagnies privées savent nous offrir des «couvertures» jusque dans les moindres détails.

Mais voilà que tout cet échafaudage sans faille est complètement déstabilisé par un inconnu si minuscule qu’il n’est même pas visible à l’œil nu. Tout ce que nous avons élaboré pour combattre les diverses menaces ne tiennent plus. Des gens meurent dans des conditions inimaginables. Nous sommes «distanciés» des êtres qui nous sont les plus chers. Il nous faut nous plier à de nouvelles exigences collectives. Il faut donc complètement modifier nos habitudes.

 

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Perspective. Photo de Jean-Pierre

ll faut bien avouer que notre société s’était éloignée de ce qui aurait pu nous préparer à une telle éventualité. Nous nous sommes convaincus que le plaisir et le bonheur se partagent durant la vie sur terre et qu’il faut en profiter. Nous avons oublié «la vallée de larmes» de nos ancêtres et l’espérance d’une vie meilleure dans l’au-delà. C’est comme s’il nous fallait tout remettre en question et repartir à zéro. Oui c’est une occasion de nous retrousser les manches et de nous questionner sur la société que nous avons contribué à élaborer. Qu’est ce qui nous manque le plus dans cette période de confinement ? Qu’est-ce qui devient le plus important ? Oui il y a des réponses à la situation actuelle. C’est le bon moment de s’arrêter et d’y réfléchir.

Louis Trudeau                                                                                                     11 mai 2020

 

 

11 commentaires sur “MENACES

  1. Salut mon Oncle,

    Bravo pour tes écrits. Toujours intéressant et bien dit. Tu y a sûrement déjà pensé puisque c’est un sujet qui te tient à coeur mais il serait sûrement intéressant pour tous ceux qui de suivent de pouvoir te lire, en ce temps de 40e anniversaire du premier référendum québécois, sur tes impressions et opinions entre autre sur le Judas de Pierre-Elliot avec lequel nous sommes hélas parents.

    Au plaisir et continue à prendre soin de toi,

    François

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    1. Bonjour François

      Oui tu as raison, j’ai participé au premier référendum à Montréal dans le comté de Saint-Jacques où j’habitais avec Ghislaine. J’ai accompagné Claude Charron dans des rencontres auprès des personnes âgées. Cependant présentement mes énergies vont de un au livre sur Félix le Béluga et de plus en plus à mon jardin avec la saison qui avance. Bonne journée et merci pour ton commentaire Oncle Louis P.S. Photo de Jean-Pierre ________________________________

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